jeudi 19 juillet 2018

Les chiens tueurs et les mondialistes

Charles Danten, DMV, MA




Signalons d’entrée de jeu la délirante affirmation de l’avocate propitbull, Anne-Marie Goldwater : « On utilise des mots péjoratifs pour identifier un certain sous-groupe de chiens qui ne forme pas une race. Tout comme les Noirs, les Latinos, les Arabes... ce ne sont pas des races. Il n’y a qu’une race, c’est la race des êtres humains. Il n’y a qu’une race, ça s’appelle des chiens : canis lupus familiaris. (1) »

Or, le chien est une sous-espèce domestiquée du loup, elle-même divisée en plus de 450 races ou variantes qui produisent des petits parfaitement conformes au phénotype de leurs géniteurs. Personne, en d’autres mots, n’a jamais vu un couple de terriers Staffordshire américains (pitbull pure race) produire une portée de caniches. 

La race chez les chiens, comme chez les humains d’ailleurs (2)(3), est une réalité indéniable et cette réalité ne se limite pas aux apparences, mais concerne aussi les comportements (4). 

L’inné et l’acquis


On dira : « il n’y a pas de mauvais chien, il n’y a que de mauvais maîtres. » Bill Bruce, par exemple, le rédacteur des règlements municipaux actuels sur les animaux de la ville de Calgary, est un adepte de cet adage fort répandu qui passe pour une vérité : « Nous pensons que l’agressivité canine est foncièrement un problème humain, et que, si nous réglons le problème à la source, le problème canin se résoudra de lui-même. (5) » 

C’est d’ailleurs cette solution que nos décideurs libéraux ont retenue : davantage de surveillance et l’obligation pour les propriétaires de garder leurs chiens en laisse, mais sans muselière. Autrement dit, ce n’est pas la peine de faire de la discrimination puisque tous les chiens se valent et que les races n’existent pas.

Or, l’inné joue un rôle important dans l’agressivité des chiens, même si l’acquis y fait également pour beaucoup (6). L’adage favori des propitbulls, un copier-coller de la théorie du bon sauvage de Jean Jacques Rousseau, est archi faux. Tous les chiens ne sont pas nés égaux. Les mauvais chiens existent. Tous les éleveurs sérieux vous le confirmeront ; en général, selon la race, ils choisissent dans une portée, dès la naissance ou peu de temps après, les plus dociles pour la compagnie ou les plus agressifs pour la garde. Les autres sont « jetés à la poubelle ».

Étymologie révélatrice


Ce qui ne veut pas dire que tous les pitbulls sont des tueurs potentiels. Un nombre indéterminé ne le sont pas (voir ci-dessous). Mais comme il n’existe pour le moment aucun test pour séparer le bon grain de l’ivraie, on serait bien mieux de les bannir complètement par mesure de précaution. Ces chiens qui servaient autrefois à combattre dans des fosses (pit) les taureaux (bull) ont un passé génétique très lourd, comme en fait foi l’étymologie de leur appellation. Ils ont été sélectionnés pendant des siècles pour leur agressivité et leur combativité. Ils sont en outre notoirement réputés pour l’imprévisibilité et la violence de leurs attaques.

Ces tueurs nés sont par ailleurs encore élevés en cachette pour leur agressivité par un certain nombre d’amateurs. De fait, même si les combats de chiens sont aujourd’hui interdits, ils existent toujours clandestinement, notamment dans les quartiers difficiles où la criminalité est répandue. Les moins performants sont soit tués ou vendus sur le marché ou pour la reproduction à des éleveurs légaux ou clandestins (usines à chiots) qui les reproduiront à des centaines d’exemplaires, sans aucun souci pour le comportement pourvu qu’ils soient plus ou moins conformes aux critères morphologiques de leur race. Les gens achètent ces docteur Jekill et M. Hyde sans se douter que dans leur gentil toutou peut se cacher un véritable monstre prêt à bondir à la première occasion.

Statistiques déficientes


En ce qui concerne les animaux du Québec, selon les conclusions du Comité de travail sur l’encadrement des chiens dangereux (CTECD), les statistiques sur les morsures de chiens sont actuellement un véritable trou noir pour les raisons suivantes : l’obligation d’enregistrer son chien est souvent inégale et incomplète puisqu’il n’est pas obligatoire de signaler la race de l’animal enregistré. En outre, les policiers, les médecins et les vétérinaires ne sont pas obligés de déclarer les morsures, sauf si la rage est soupçonnée. Ce qui n’arrange pas la situation, certains médias comme Radio-Canada refusent par ailleurs de nommer la race des délinquants canins pour ne pas faire de discrimination. Cette convention absurde est calquée sur l'interdiction chez les humains de faire un lien entre la race et le crime.

Or, sans savoir la population des races, le nombre de morsures de même que la race impliquée, il est impossible de calculer avec précision les races les plus dangereuses. Ces lacunes providentielles sont un frein substantiel à toute mesure de prévention efficace ; bien qu’elles soient bonnes pour les affaires, elles sont aussi dans les faits une fuite de responsabilité flagrante de même qu’un déni de la race et de l’importance des gènes dans le comportement. 

Le cas de Toronto


Heureusement, la situation est différente à Toronto où les données sont suffisamment étoffées pour faire la part des choses (voir le tableau ci-dessous). Est-ce pour cette raison que les quatre races les plus impliquées dans les morsures y sont bannies avec succès ? Évidemment !

Ville de Toronto, adapté d'une illustration de Eric Andrew-Gee et Joel Eastwood.
(3 octobre 2014). Pit bulls were Toronto's biggest biters, before the ban

On peut aussi se faire une bonne idée de la race des délinquants en consultant les revues scientifiques en médecine et en chirurgie. Depuis au moins les quarante dernières années les études épidémiologiques sérieuses – c’est-à-dire celles qui ne sont pas réalisées par les vétérinaires ou commanditées par les sociétés humanitaires et les associations propitbulls – sont unanimes : en Amérique du Nord, la majorité des morsures de chiens nécessitant une hospitalisation ou entraînant le décès sont infligées par des chiens de type pitbull (7) (8) (9) (10) (11) (12) (13) (14) (15) (16).

Ceux qui affirment que tous les chiens se valent prétendent que leurs idées sont étayées par la science. Or, rien n’est moins vrai. Aucune de leurs allégations n’est étayée scientifiquement. Elles s’appuient uniquement sur une autorité morale abusive. C’est d’ailleurs pour cette raison que ces personnes passent rapidement aux mensonges, aux insultes et à l’intimidation dès qu’on s’attaque à leurs convictions.

Conclusion


Malgré leur petit nombre comparé aux autres races beaucoup plus populaires comme le labrador, le golden retriever et le berger allemand, les pitbulls comptent parmi les chiens les plus dangereux et les plus fréquemment impliqués dans les morsures. Ce serait par conséquent une bonne chose de les museler et de les enlever en fade out de la circulation. 

Mais le problème des chiens mordeurs ne sera pas réglé pour autant, tant et aussi longtemps que les problèmes de fonds suivants ne seront pas réglés : la surconsommation en zone urbaine des animaux de compagnie, les fausses allégations de la zoothérapie qui sont le leitmotiv de cette surconsommation inédite, le biais des vétérinaires qui sont complices par intérêt, l’humanisation outrancière des animaux de même que les vœux pieux. 

La compilation de statistiques valides est capitale, car sans connaître la population des races, le nombre de morsures de même que la race impliquée, il est impossible de mettre en place des mesures de prévention efficace. Refuser dès lors comme Radio-Canada de nommer la race des délinquants soi-disant pour ne pas faire de discrimination raciale est criminel.

Pour bien faire, il faudrait aussi que nos élus libéraux arrêtent de croire que les races n'existent pas et que la biologie (l'hérédité) ne joue aucun rôle dans le comportement. C’est faux. Ils ont du mal à l’admettre, car toute leur politique mondialiste s’appuie sur ces fausses notions. En d’autres mots, nos décideurs refusent de protéger le public pour de vulgaires raisons idéologiques qui n’ont aucune prise sur la réalité. 

En définitive, la société doit choisir entre mentir pour des raisons financières et idéologiques et dire la vérité pour protéger le public.

Un dernier point


Les races obéissent à leurs gènes, mais si vous mélangez plusieurs races dans un parc à chiens, ils ne se mélangent pas selon la race parce qu’ils n’ont pas été sélectionnés pour reconnaitre les membres de leur propre race (ethnocentrisme). Les pitbulls dans un parc à chien, par exemple, ne sont pas particulièrement attirés par les autres pitbulls. Ils sont en quelque sorte aveugles à la race. Or, les libéraux comme Anne-Marie Goldwater, citée en ouverture, présument faussement que si c’est vrai pour les chiens, c’est aussi vrai pour les humains. Ainsi, ceux-ci devraient aussi être aveugles à la race. Mais ils oublient que les humains ont été naturellement sélectionnés pour reconnaitre ceux de leur race. Dès lors, si vous mélangez plusieurs races ensemble, ils vont éventuellement se grouper selon leur race, comme ce qui survient dans les prisons. Les gens sont naturellement attirés par ceux qui leur ressemblent génétiquement (théorie de la similitude génétique de Philippe Rushton). Ce qui n’est pas le cas des chiens ou de toute autre espèce domestique. Par contre, chez les animaux sauvages, il est important que les races se reconnaissent afin de transmettre les gènes qui leur permettent de survivre dans leur niche écologique. Ces races ne sont pas par conséquent aveugles à la race.

Références

1. Thomas Gerbet (21 septembre 2016). L’avocate Anne-France Goldwater défend les pitbulls à Longueuil. Radio Canada.
2. Steven Pinker (2002). The Blank Slate. The Modern Denial of Human nature. Penguin Books.
3. Steven Pinker (2012). Fear of Race Realism and the Denial of Human Differences. Conférence sur YouTube.com (vidéo consultée le 19 novembre 2016).
4. Richard Murray (2020). Human Diversity. The Biology of Gender, Race, and Class. Hachette Book Group.
5. Barbara Kay (11 août 2015). Pit bulls are disproportionally dangerous. Why is Calgary importing more of them? The National Post.
6. Mark Derr (6 février 2001). It Takes Training and Genes To Make a Mean Dog Mean. The New York Times.
7Michael S. Golinko, MD, MA, Brian Arslanian, MD et Joseph K. Williams, MD, FAAP (2016). Characteristics of 1616 Consecutive Dog Bite Injuries at a Single Institution. Clinical Paediatrics. 
8. Mark A. Prendes et coll. (2016). Ocular Trauma From Dog Bites: Characterization, Associations, and Treatment Patterns at a Regional Level I Trauma Center Over 11 Years. Ophthal Plast Reconstr Surg: 32(4).
9. Garvey et coll. (2015). Morbidity of pediatric dog bites: A case series at level one pediatric trauma center. Journal ofPediatric Surgery: p. 50, pp. 343-346.
10. O’Brien et coll. (2015). Dog bites to the head and neck: an evaluation of a common pediatric trauma and associated treatment. Am. Journal of otolaryngology – head and neck medicine and surgery: p. 36, 32-38.
11. Prendes et coll. (2015). Ocular trauma from dog bites: Characterization, associations, and treatment patterns at a regional Level 1 trauma center over 11 years. Ophthalmic Plastic Reconstructive Surgery.
12. Bini, J.K., et.coll. (2011) Mortality, Mauling, and Maiming by Vicious Dogs. Annals of Surgery; 253 (4).
13. Ricky L. Langley (2009). Human Fatalities Resulting From Dog Attacks in the United States, 1979–2005. Wilderness & Environmental Medicine; 20 (1):19-25.
14. Jeffrey J. Sacks, MD et coll. (2000) Breeds of Dogs Involved in Fatal Human Attacks in the United States Between 1979 and 1998. Renters for Disease Control and Prevention.
15. J. J. Sacks, R. W. Sattin et S. E. Bonzo (1989). Dog Bite-Related Fatalities from 1979 through 1988. Journal of the American Medical Association; 262:1489-1492.
16. William G. Winkler (1977). Human Deaths Induced by Dog Bites, United States, 1974-75. Public Health Reports; 92 (5):425–429.



mardi 17 juillet 2018

Chaleur de bête et froid de canard: Vies et morts d'une vétérinaire par Dominique Lange. Le zèbre volant. 2017.


Charles Danten, ex vétérinaire*


Courez vite vous acheter ce merveilleux petit livre d'une vétérinaire française. Le sujet est certes un peu triste, il y a en effet beaucoup de drames dans la vie et la mort professionnelles d'une vétérinaire, mais c'est dit sobrement, sans sensiblerie, avec une plume d'écrivain, voire de poète.

Madame la doctoresse a en effet un talent fou. Elle manie le verbe aussi bien que le bistouri. Le lecteur en sortira les émotions à vif, mais enchanté par le style et ce qu'il apprendra non seulement sur les animaux, mais sur les gens. Car ce récit vécu est aussi une histoire d'hommes et de femmes. Et cette histoire n'est pas toujours drôle surtout lorsqu'on est paysan à Saint-Pierre, à Tahiti ou en Corrèze.

Le métier de vétérinaire, hélas, est difficile. Cœur sensible, abstenez-vous. Surtout si vous partez du mauvais pied en pensant être l'amie des bêtes. Vous serez déçue, car ce n'est pas tout à fait vrai.

Si la vétérinaire a l'obligation de protéger la santé des animaux, c'est toujours au profit de ceux qui la rémunèrent. Ce qui veut dire en terme clair, à quelques exceptions près, dans les cas atypiques de cruauté extrême, que le dernier mot revient aux propriétaires des animaux que vous soignez.

Ainsi, si un maître veut faire piquer son chien ou son chat au lieu de le faire soigner, vous devrez obtempérer. Si vous devez envoyer à l'abattoir une vache que vous pourriez sauver, vous devrez vous y résoudre. 

Si vous ne le faites pas, vous êtes tout sauf une vétérinaire. C’est ainsi, et ceux qui vous disent le contraire vous font du cinéma. 

Et puis, c'est dur par moment. On voit parfois des choses atroces, des chiens abandonnés qui croupissent dans des fourrières sordides, des hommes qui se pendent au bout de leur désespoir. Il y a beaucoup de routine aussi, une vétérinaire ne passe pas son temps à soigner des animaux malades. Et si vous travaillez avec les animaux de ferme, vous serez souvent livrée à vous-même, face à des mastodontes mal léchés, avec un minimum de moyens et de protections. 

Bref, tous les vétérinaires en herbe devraient lire, Chaleur de bête et froid de canard: Vies et morts d'une vétérinaire, avant de se lancer dans des études longues et difficiles. Cette lecture édifiante leur évitera beaucoup de malentendus et de frustrations. 

Avec ce témoignage sorti tout droit du cœur, la Dre Lange a rendu un fier service non seulement à son ancienne profession, mais au public.


* J'ai employé le féminin pour décrire les vétérinaires, car cette profession est devenue depuis peu un métier de femmes.