Charles Danten
Tous les changements morphologiques et psychologiques que nous avons imposés aux animaux ne sont pas sans ressembler étrangement à ceux que les humains se sont eux-mêmes imposés au cours de la même période.
Ce que nous avons fait subir aux bêtes nous l’avons fait subir aux nôtres tout au long de notre histoire. Les techniques de la domestication, c’est-à-dire l'enfermement, la privation alimentaire, la castration physique et psychologique, la sélection pour la docilité, l'inceste et la civilisation des mœurs par diverses techniques de coercition, nous les avons appliquées à nous-même.
Dans cette optique, la condition animale est une transposition de la condition humaine, une dramatisation vivante de la relation avec notre propre animalité, c'est-à-dire nos instincts.
Toute notre histoire est celle des moyens que nous avons dû déployer pour gérer nos pulsions dans un environnement où elles sont devenues inadaptées. Ce qui est arrivé à notre espèce est le dilemme de tous les animaux sauvages qui se retrouvent en captivité. Le loup, par exemple, qui devient chien à force d’être domestiqué par les humains subit le même sort que nous avons nous-mêmes subi depuis notre sortie de la nature dans des circonstances inconnues à ce jour (1)(2)(3).
Mon livre, Un vétérinaire en colère. Sur les chemins de rédemption est en quelque sorte une métaphore ou une allégorie de la condition humaine ; il suffit de remplacer le chien par un homme et le boulet par la domestication.
Références
1. John A. Livingston (1994). The Rogue Primate. An Exploration of Human Domestication. Robert Rinehart Publishers.
2. Peter J. Wilson (1988). The Domestication of the Human Species. Yale University Press.
3. André G. Haudricourt (1962). Domestication des animaux, culture des plantes et traitement d’autrui. L’Homme. (2), no 1 : 40-50.