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mardi 20 mai 2025

Manifeste

Charles Danten

Un vétérinaire en colère 

Prologue

La scotomisation


En raison de son importance, le moment est maintenant idéal pour revoir le phénomène de la scotomisation, un obstacle majeur à la compréhension, et donc, au changement. D’après le Petit Robert, la scotomisation est « l’exclusion inconsciente d’une réalité extérieure du champ de conscience; un déni de la réalité, une forclusion, un mécanisme psychique par lequel des représentations insupportables sont rejetées avant même d’être intégrées à l’inconscient du sujet (à la différence du refoulement) ». En d’autres termes, pour protéger ma dignité, mon statut et mon gagne-pain, j’ai fait l’autruche lorsque la vérité du commerce a commencé à saper mes convictions. Si je peux me permettre de paraphraser Upton Sinclair, il est difficile pour une personne de comprendre une chose si son salaire et son amour-propre sont conditionnels au fait qu’elle ne la comprenne pas. Nous avons dans notre psyché une immunité idéologique qui nous défend, inconsciemment, des idées qui peuvent menacer notre survie ou remettre en question notre équilibre psychique. Alors que nos sens captent le monde tel qu’il est, notre cerveau, dans l'ombre, fait un travail d'édition, un couper-coller, pour ajuster la réalité à l'idée qu'il s'en fait. Ce que nous voyons, lisons ou entendons est remanié pour concorder avec des notions apprises pendant notre apprentissage. Ainsi, la scotomisation joue un rôle de premier plan dont on mesure mal l’importance et expliquerait pourquoi les croyances et les traditions les plus absurdes sont si difficiles à changer. Je l'ai expérimentée de nombreuses fois. Lorsque j'étais vétérinaire, par exemple, je soulignais au crayon gras, dans les périodiques médicaux que je lisais, notamment sur la vaccination et la zoothérapie, uniquement les notions qui cadraient avec mes valeurs du moment, occultant tout un pan de la réalité contraire à mes convictions et à mes intérêts. Plus tard, lorsque la profession était derrière moi, cette dualité assez spectaculaire entre le bien (ce qui confortait mes certitudes) et le mal (ce qui menaçait mes certitudes) me sauta aux yeux quand je feuilletai ces mêmes périodiques, car je voyais désormais l’ensemble du texte. 

Pour surmonter le handicap de la scotomisation, je propose à mes lecteurs de lire ce livre deux fois : une première fois pour se familiariser avec son contenu et une deuxième fois pour l’examiner en détail et voir s’il ne contient pas quelques vérités. 


Pourquoi les animaux de compagnie ? 


Dans mes écrits, je me concentre exclusivement sur les animaux de compagnie, car je m'intéresse aux formes voilées de violence et de cruauté, celles qui se dissimulent derrière les bons sentiments et les bonnes intentions. Je le fais également par souci d’exactitude et de justice, car il serait faux de prétendre que cette catégorie d'animaux fait partie d’une classe privilégiée. Évidemment, pour ceux qui voient dans l’engouement actuel pour les animaux de compagnie une bonification de l’humanité, le signe d’une société plus compassionnelle qui se rapproche de plus en plus de son idéal humain, la démonstration est choquante, mais je n’y peux rien, les faits sont irréfutables. 

 

Les problèmes de fond 


Je me suis servi des animaux en toile de fond pour déconstruire les apparences, car c’est ce que je connais le mieux à titre de vétérinaire, mais dans ce livre, nos amis à poils et à plumes sont accessoires, mon véritable sujet étant l'homme. Par l’intermédiaire des bêtes, je m'attaque aux ennemis de toujours comme la pensée sophistique, la peur, les croyances, l’anthropomorphisme, le sentimentalisme, la superficialité, la duplicité, la corruption, l’avidité, la cupidité, l'opportunisme, le mimétisme et la bêtise humaine en général. 

Ce combat est celui de tout être humain qui se respecte. Je suis d’ailleurs convaincu qu’il est inscrit dans nos gènes et que c’est grâce à lui que nous avons pu survivre et prospérer jusqu’ici. 

En s’affranchissant de ces écueils, on change aussi bien la condition humaine que la condition animale, car les deux conditions sont intimement liées. Dans ce sens, je défends les animaux, mais indirectement, en les instrumentalisant symboliquement - ils ne m'en voudront pas, j'en suis sûr - afin d'essayer de changer la mentalité des humains sur qui dépend la condition animale. 


Ma méthode 


Dans ce livre, je remets fondamentalement en cause un ensemble de croyances religieuses et pseudo-scientifiques. À cette fin, je m’appuie sur mon expérience de vétérinaire, mais je pratique le retour aux sources, l’analyse critique et la vérification des faits pour confirmer ou infirmer mon opinion. Je relis un document vingt fois plutôt qu’une avant de me prononcer sur son contenu. Je m’évertue à croiser mes sources. Ma méthode par conséquent n’a rien à voir avec une quelconque idéologie, mais repose en grande partie sur des travaux scientifiques. Je chemine de la foi à la raison, du doute à la certitude. 


Mes mobiles 


Quand j’ai découvert l’imposture qui se cachait derrière l’amour prétendu des animaux, je n’ai eu de cesse que de la dénoncer. C’était en quelque sorte mon devoir civique et ma façon à moi de contribuer au bonheur du plus grand nombre, dans l’esprit de mon serment professionnel : « Je jure solennellement d’utiliser mes connaissances scientifiques et mon expertise au profit de ma société. » 

Naturellement, les animaux, des êtres aussi sensibles que vous et moi, font partie du plus grand nombre, mais même si je m’évertue à soulager leur souffrance, je n’éprouve pas envers eux un amour exagéré, voire suspect. Les animaux sont merveilleux, sans eux, le monde serait un cimetière, mais je ne les « aime » pas comme tout le monde, c’est-à-dire au bout d’une laisse ou dans une cage. Je les respecte pour ce qu’ils sont, mais à la place qui leur est dévolue, dans leur milieu biologique, à quelques exceptions près, pour des raisons vitales d’intérêt public. 

Je ne leur fais aucun mal pour des raisons futiles comme me valoriser, me mettre en valeur, chasser l’ennui, me divertir, m’enrichir ou me goinfrer. Je suis contre le végétarisme vu comme un faire-valoir humaniste, un moyen d’évoluer spirituellement ou un mouvement organisé avec ses chefs, ses collectes de fonds et ses militants. Je me méfie comme de la peste de tout mouvement organisé, car ces mouvements finissent généralement par manger dans l’écuelle du diable. Je n’appartiens à aucun groupe de « défense » des animaux et je m’en dissocie, car sous leurs airs de Saint François d’Assise, ces idiots utiles œuvrent inlassablement à la protection et à la promotion de ce qu’ils prétendent vouloir changer. Les végétaliens, par exemple, ont tous des animaux de compagnie, ce qui pour moi est totalement contradictoire compte tenu des valeurs affichées de cette confrérie. 

J'accorde beaucoup plus d'importance aux humains qu'à nos amis à quatre pattes. Je sais très bien faire la différence entre un bébé et un chiot. Je ne mélange pas les appellations. Un chien sera toujours pour moi un chien et non un enfant. L'humanisation des animaux à des fins idéologiques, pour augmenter leur valeur marchande et leur popularité ou pour les valoriser et les faire respecter davantage est une très mauvaise idée, et nous verrons pourquoi tout au long de ce livre. 


Les nuances 


Pour réaliser mes objectifs, je ne gaspille pas mon temps à nuancer mon propos en faisant l’apologie du « positif » pour ne pas en froisser ses adeptes. Le « positif » est notoire, on en entend beaucoup parler dans les médias et dans la bouche de ceux qui ne jurent que par lui, inutile donc de jeter de l’huile sur le feu et d’alourdir mon propos. D’autant plus que quelques points « positifs » ici et là ne changent rien aux problèmes de fond. 

 

Les solutions 


Mon intention n’est pas d’interdire ou d'abolir quoi que ce soit, de pontifier, de menacer ou de jouer au plus malin. Les vérités imposées par la force et la manipulation conduisent irrémédiablement à la duplicité. J’en appelle plutôt à la raison et au libre choix. En d'autres mots, la solution que je propose n'est pas politique, mais individuelle. Elle est le fruit de la compréhension des phénomènes que j’explique entre autres dans mes écrits. Comme le dit l'adage chinois, « la solution de tout problème est dans sa compréhension ». 

En s'affranchissant notamment des idées fausses que je décris dans ce livre, on change non seulement la condition humaine, mais aussi la condition animale, car celle-ci est une transposition inconsciente de la condition humaine, « le moule en creux et en relief des relations entre les hommes », selon le mot de Jean-Pierre Digard, ethnologue et anthropologue français, spécialiste de la domestication. 

Pour le dire en langage informatique, mes écrits sont des sortes d'antidotes aux virus, cheval de Troie et malwares qui se sont implantés, subrepticement, au fil du temps, dans nos banques de données neuronales. Encore faut-il laisser le « logiciel » de déprogrammation travailler librement en laissant ses préjugés de côté le temps de comprendre ce dont il est question (voir la scotomisation). Ce que vous ferez ensuite avec cette nouvelle compréhension n'est pas de mon ressort. 

 Il appartient à chacun par conséquent d'explorer la question et de trouver ses propres solutions à l'intérieur de sa propre vie et selon son entendement. Même si je ne suis pas neutre, mon rôle se limite à réduire l’écart entre les apparences et la réalité et entre les valeurs affichées et les valeurs pratiquées pour que tout le monde puisse s’y retrouver. 

À moins de vivre le plus près possible de la réalité, il est en effet impossible de prendre les décisions qui s'imposent dans une situation ou un contexte donné. 


La lucidité 


Lorsque vous avez véritablement exploré la question, lorsque vous avez vu le portrait d’ensemble et saisi clairement le fond des choses (comment sont agencés les morceaux du puzzle), la solution s’impose à vous, sans que personne n’ait à vous l’imposer. Cette prise de conscience est en soi la solution tant attendue aux problèmes qui sont exposés dans ces pages. Contrairement au monde technique ou matériel, le changement psychologique, et c’est bien ce dont il est question, ne s’obtient pas par un effort de volonté, une politique des petits pas ou le réformisme. Il s’opère instantanément à la suite d’un moment de lucidité ou d’une prise de conscience. C’est d’ailleurs ce qui m’est arrivé. Lorsque j’ai vu, de mes yeux vus, les dessous cachés du rapport entre les humains et les animaux, je me suis retrouvé instantanément changé. Ce résultat était complètement imprévisible ou non-anticipé, le sous-produit d’une démarche qui consistait à explorer en moi-même les comportements que je décris dans ce livre. Mais il faut s’y consacrer avec une intensité où la médiocrité et la peur sont exclues. En d’autres mots, à moins d’examiner la question attentivement, sans concessions, sous tous ses angles, vous passerez à côté de sa signification pour retomber dans l’immobilisme. 

En général, ceux qui exigent tambour battant des solutions toutes faites ne souhaitent pas changer véritablement. Ils veulent uniquement travailler à l’intérieur du statu quo. Ainsi, pendant qu’ils sont occupés à changer, ultérieurement, à une date non précisée, en général le plus loin possible dans le futur, ils continuent d’agir comme ils l’ont toujours fait. Le but n’est pas le changement, mais l’espoir du changement avec les bonnes émotions qu’il procure à petit prix. 


Clarification au sujet de la domestication 


Je ne préconise pas du tout la remise en liberté des animaux domestiques. La plupart d'entre eux seraient incapables de survivre par eux-mêmes tellement ils sont dépendants et infantilisés. Cette solution se traduirait en outre par des problèmes écologiques catastrophiques. Cela dit, la domestication n’est pas une finalité ayant eu lieu il y a environ 10 000 ans. On domestique les animaux tous les jours entre autres en les nourrissant et en les faisant obéir. Il est par conséquent très facile d’en sortir. Il s’agit tout simplement d’arrêter d'y contribuer. C’est une simple question d’offre et de demande. Ainsi, à la mort de son animal, par exemple, si tel est son souhait, une personne peut très bien décider, de son propre chef, en toute connaissance de cause, de ne plus souscrire à la barbarie à visage souriant que je mets en lumière dans ce livre. Comme le dit La Boétie : « Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libre. » C'est aussi simple que cela. 

 Le monde s’en portera bien mieux, car un lien indéniable existe entre le traitement des animaux et d’autrui. La domestication est l’archétype des sociétés esclavagistes et des rela-tions interhumaines en général (1) ; ce qui veut dire en termes concrets que les méfaits de cette relation de propriétaire à propriété passent inaperçus, tout simplement parce qu’il n’y a pas dans notre psychologie d’autre point de référence comportementale pouvant servir de comparaison. À l’intérieur des limites permises par la loi et par la bienséance, nous agissons, en essence et non dans la forme, avec les uns comme avec les autres. Et c’est précisément le problème. Grand nombre de parents, par exemple, une fois passé l’attrait du nouveau, n’abandonnent pas leurs enfants dans des fourrières comme ils le feraient avec un animal, mais les abandonnent volontiers, symboliquement, en les négligeant, voire en les livrant, sans aucun état d’âme, à l’ogre social qui les décervèle pour entre-tenir une logique marchande tous azimuts que nous aurions avantage à abandonner compte tenu des conséquences écologiques, sociales et géopolitiques. 


Références 

1. André G. Haudricourt, "Domestication des animaux, culture des plantes et traitement d’autrui", L’Homme; 2 (1): 40-50, 1962.

dimanche 27 avril 2025

La petite reine des bois

Un vétérinaire en colère 
(Slaves of Our Affection. The Myth of the Happy Pet) 

PROLOGUE 

Les enfants sauvages, la petite reine des bois 

Je ne suis pas plus malin qu’un autre, vous savez. Moi aussi, à l’occasion, je suis biaisé ou victime de mes idées reçues. Il est très difficile de garder la tête froide lorsqu’un sujet nous tient à cœur. Et puis, on ne peut pas tout savoir… Un exemple parmi d’autres. 


J’avais amorcé la première édition d’Un vétérinaire en colère avec l’histoire des enfants sauvages, notamment celle des enfants-loups Amala et Kamala ainsi que celle, non moins célèbre, de Victor de l’Aveyron, le héros du film culte de François Truffaut, L’enfant sauvage. Je me doutais bien que l’histoire des enfants-loups était fausse, néanmoins, j’avais choisi de m’en servir pour des raisons rhétoriques, au risque de perdre ma crédibilité dès les premières pages. Pour me protéger, j’avais précisé : 
Il n’est pas certain que toutes ces histoires d’enfants sauvages soient vraies. En effet, sauf pour celles de Victor de l’Aveyron, de Gaspard Hauser et de quelques autres cas relativement récents, ces histoires sont souvent mal documentées. On peut les croire le fruit d’imaginations fertiles. Mais, même inventées, elles nous permettent d’entrevoir les effets psychologiques que peuvent avoir la capture et la captivité sur les animaux. Chez la plupart des espèces animales, ces effets sont difficiles à déceler, car les bêtes ne s’expriment pas dans notre langage. L’ennui d’un chien, l’agressivité d’un oiseau, la peur ressentie par un reptile, la détresse d’un cheval ou d’un chat passeront souvent inaperçus, même si ces bêtes vivent toutes à des degrés variables le même désarroi qu’Amala, Kamala, Victor et les autres. 
Plus loin dans ce livre, je décrirai en détail à la fois ce langage méconnu et les conséquences de la captivité largement ignorées du grand public. Je n’ai jamais eu de problème moral avec cette décision, d’autant plus que cette stratégie a porté ses fruits. J’étais même assez fier de moi, si je puis dire… jusqu’au jour où je reçus un coup de téléphone de Paris. 

« Allô, êtes-vous Charles Danten, l’auteur du livre, Un vétérinaire en colère ? 
– Oui, c’est bien moi. 
 – Mon nom est Serge Aroles, je vous appelle de Paris. Félicitations pour votre livre. J’ai beaucoup aimé. 
– Merci, j’apprécie. Que puis-je faire pour vous ? 
– Je vous appelle en fait pour vous dire que la plupart des histoires d’enfants sauvages élevés par d’autres espèces sont fausses, notamment celles des enfants-loups Amala et Kamala. À vrai dire, c’est le révérend Singh, un missionnaire chrétien qui dirigeait avec sa femme un orphelinat à Midnapore, en Inde, qui a inventé cette histoire de toutes pièces pour faire parler de lui et s’enrichir. Les petites filles en question étaient autistes. Amala est morte à deux ans de cause inconnue, mais Kamala qui souffrait du syndrome de Rett, a vécu l’enfer aux mains de M. Singh qui la battait pour la forcer à faire son numéro devant les visiteurs venus du monde entier pour les observer. C’était un homme cruel et sans scrupules. 
 – Je l’ignorais », lui répondis-je, quelque peu décontenancé par cette nouvelle qui me tombait du ciel comme une fiente de mouette. Comme je l’ai précisé dans mon livre, mis à part l’histoire vraie de Victor de l’Aveyron, j’ai toujours eu des doutes, mais j’avoue n’avoir jamais cherché à savoir la vérité. J’aurais peut-être dû, tout compte fait. 

Me sentant un peu coupable, j’ai essayé de me disculper en lui disant que j’avais employé cette histoire pour captiver mon lecteur. En lui présentant un visage humain, je voulais également illustrer, de façon convaincante, ce qui survient aux animaux lorsqu’ils sont capturés et enlevés de leur milieu biologique. La plupart des gens éprouvent énormément de mal à se mettre dans leur peau. À peine un pour cent des maîtres connaissent la moindre chose sur les caractéristiques physiologiques et psychologiques de leur animal. C’est déjà suffisamment difficile de comprendre ses semblables, alors imaginez un animal ! Certes, ces histoires me semblaient douteuses, mais personne, à ma connaissance, ne les avait jamais réfutées officiellement. 

Il me répondit que l’histoire de Victor de l’Aveyron était aussi fausse que les autres. Je suis resté tout penaud, car je pensais au contraire qu’il était l’un des seuls véritables enfants sauvages. De fait, Truffaut a triché pour les besoins de son film. Victor était un enfant maltraité, et autiste de surcroit, comme la plupart, sinon tous les enfants sauvages. Lorsqu’il a été trouvé, son corps était couvert de cicatrices qui paraissaient avoir été produites par des brûlures, possiblement infligées par ses proches. Il présentait une cicatrice longue de quatre centimètres à proximité du larynx, là où on avait essayé de lui trancher la gorge, ce qui pourrait expliquer qu’il n’ait jamais réussi à parler. Son larynx était probablement abîmé. Laissé pour mort, Victor a survécu en volant des légumes et des fruits dans les vergers et les jardins environnants. Sans l’aide de quelques habitants du coin, voire d’un seul, il serait mort rapidement, soit de ses blessures, soit de faim ou de froid. Une chose est sûre, si Victor n’avait rien d’un enfant sauvage, c’était bel et bien un enfant martyr. 

J’allais de surprise en surprise : « D’où tenez-vous ces informations ? 
 – J’ai écrit un livre sur la question. J’ai parcouru le monde entier pour faire la lumière sur ces enfants (1). Je n’ai trouvé qu’ignorance et mensonge. 
– Vous avez dit que la “plupart” de ces histoires sont fausses, voulez-vous dire que quelques-unes sont vraies ? » 

Selon monsieur Aroles, il n’y eut qu’un seul enfant sauvage. Son histoire est attestée par un nombre important de documents officiels d’époque. Cet enfant de sexe féminin, une Amérindienne du peuple des Renards (Sioux), du Wisconsin, s’appelait Marie-Angélique. Elle fut emmenée en France par une Canadienne qui eut le malheur d’aborder à Marseille au moment de la grande peste de 1720. 

Cette enfant, qui n’avait alors que huit ans, s’évada dans la nature où elle vécut pendant plus de dix ans. Elle fut retrouvée à près de mille kilomètres de son point de départ dans un état d’ensauvagement avancé. Plus tard, cette petite reine des bois d’une intelligence exceptionnelle vécut à Paris une existence tout ce qu’il y a de banal jusqu’à sa mort à 63 ans, en 1775. À la fin de sa vie, à l’abri du besoin et parfaitement adaptée à la civilisation, Marie-Angélique a déclaré avoir préféré les bois à la ville. 

Mais je n’étais pas encore tout à fait convaincu. Je lui ai dit que j’avais du mal à croire qu’un animal ne puisse pas élever un enfant, du moins pour un certain temps. On imagine aisément une mère ayant perdu ses petits à la naissance qui donne la tétée à un orphelin d’une autre espèce. Il n’est pas rare qu’une chienne prenne un chaton sous son aile, par exemple. De nombreux humains adoptent un animal précisément pour assouvir leurs instincts maternels. 

Il me répondit qu’il était tout à fait possible, biologiquement, qu’un enfant sauvage fut élevé par une autre espèce, mais que l’existence de ceux que l’on « connait » subissait souvent le désaveu des archives ou d’une enquête sur le terrain. Historiquement, à l’occasion de chaque famine, épidémie ou guerre, un nombre incalculable d’orphelins étaient obligés de se débrouiller seuls dans les bois. La plupart d’entre eux mouraient de faim, d’hypothermie ou étaient dévorés par les prédateurs. De ces enfants, quelques-uns ont été adoptés par d’autres espèces. « Il s’agit selon M. Aroles, d’un accident statistique relevant de la loi des grands nombres. » 

Les fausses gestations sont fréquentes chez la louve, par exemple. D’origine hormonale, elles se traduisent par une montée de lait et le réveil de l’instinct maternel. Dans cet état, l’animal peut littéralement s’amouracher d’à peu près n’importe qui. Plus tard, une fois passé l’attrait du nouveau, la mère se lasse de son louveteau adoptif, qu’elle abandonne à son sort, si elle n’en fait pas son goûter. De là vient certainement le manque de preuves. 

Je n’avais jamais rien entendu de pareil. Par contre, qu’une louve en fausse gestation soit attirée par un enfant humain est plausible. Cette situation est fréquente chez la chienne, une variante domestique du loup. J’ai traité plusieurs cas de ce type dans ma pratique vétérinaire et je connais bien les symptômes de la fausse gestation. De fait, en dépit de plusieurs milliers d’années de domestication, un chien est toujours un loup à l’intérieur. 

Selon Serge Aroles, dans des conditions naturelles, cette “grossesse nerveuse”, plutôt désagréable du point de vue d’un propriétaire de chien, est importante pour la survie d’une meute de loups. Pour une femelle dominante, la seule à pouvoir se reproduire, il est en effet fort pratique d’avoir sous la main une nourrice pour materner ses petits lorsqu’elle s’absente pour chasser. Je n’y aurais pas pensé moi-même! La nature est drôlement bien faite. 

J’en ai profité pendant que je l’avais au bout du fil pour lui demander, s’il connaissait des enfants élevés par d’autres espèces que le loup. Selon lui, au sein des quatre grandes catégories historiques d’enfants sauvages « connus » pour avoir été recueillis par une nourrice animale, à savoir enfants-loups, enfants-singes, enfants-ours et enfants-gazelles, tous les cas appartenant à ces deux dernières sont faux, ce qui laisse la rarissime authenticité à la louve et à la femelle orang-outan. Mais ces épisodes finissent toujours mal.

Techniquement, aucun animal d’une autre espèce ne peut élever un enfant avec succès. On s’est dit au revoir en se jurant bien de faire notre possible pour démystifier tous ces mensonges qui nous empoisonnent la vie. 

 *** 

Références

1. Serge Aroles, L’énigme des enfants sauvages. Publibook, 2007.

dimanche 23 janvier 2022

Le végétarisme est-il l'avenir de l'humanité ?

Charles Danten

Comme le souhaiteraient Jacques Attali et Bill Gates, il est possible qu’un jour, pour des raisons médicales, climatiques, éthiques et spirituelles, nous abandonnions l’alimentation carnée. Mais avant de passer à l’acte, par mesure de précaution, afin d’être sûr de ne pas faire fausse route, assurons-nous d’abord que ce flip-flop radical de la viande au tofu est pleinement justifié.


https://www.breizh-info.com/2022/01/22/178241/le-vegetarisme-est-il-lavenir-de-lhumanite/

samedi 8 janvier 2022

Recension du livre de Youssef Hindi, Covidisme et messianisme


La grille de lecture « messianique » de l’historien et politologue Youssef Hindi bouleverse l’interprétation officielle de la pandémie COVID-19 qui n’est plus selon son analyse une simple crise sanitaire, mais un moyen d’accélérer la rédemption du peuple juif et la restauration de son paradis terrestre, ce fameux jardin d’Eden où « toutes les créatures seront réconciliées ; le loup habitera avec la brebis, le tigre reposera avec le chevreau ; veau, lionceau, bélier vivront ensemble et un jeune enfant les conduira ». 

Pour réaliser l'utopie du peuple prétendument choisi par Dieu pour dominer la Terre, il faut détruire tout ce qui fait obstacle à sa rédemption et à la venue de son messie : les frontières, la nation, la patrie, l’ordre, la loi, la famille, le patriarcat, le sexe biologique, la diversité ethnique et raciale que la nature a créés, les particularismes locaux, la moralité et la spiritualité, le droit à la propriété, le protectionnisme économique, social et culturel, tout, absolument tout.

Le Nouvel ordre mondial, la gouvernance mondiale, l'Agenda 2030 et la grande remise à zéro (Great Reset) de l’économiste Klaus Schwab de la famille politique des Rothschild, le mentor des « Young Leaders » Justin Trudeau et Emmanuel Macron, s’inscrivent dans cette utopie messianique. Ainsi, dans l’imaginaire des messianistes, la fausse crise climatique et la pandémie du COVID-19, dont la gravité a été massivement exagérée, servent surtout à détruire l’Ancien monde afin de « reconstruire en mieux » ou en anglais Build Back Better, la version actualisée du messianisme actif.

L'Organisation des nations unis, elle-même une émanation du messianisme actif, est un instrument essentiel de ce projet messianique. Son rôle n’est pas d’unir les nations, mais de les détruire à l’aide de divers manipulations psychologiques qui n’ont qu’une seule fonction : faire peur aux peuples afin de les inciter à obéir selon la stratégie du choc et de l’effroi clairement décrite par Naomi Klein dans son livre à succès, La stratégie du choc :

[…] le désastre déclencheur — le coup d’État, l’attentat terroriste, l’effondrement des marchés, la guerre, le tsunami, l’ouragan, [la pandémie], [la crise climatique] — plonge la population dans un état de choc collectif. Le sifflement des bombes, les échos de la terreur et les vents rugissants, [la fonte des glaciers], [le nombre de morts dans les hospices ainsi que le nombre de faux tests +], « assouplissent » les sociétés, un peu comme la musique tonitruante et les coups dans les prisons où se pratique la torture. À l’instar du prisonnier terrorisé qui trahit ses camarades et renie sa foi, les sociétés en état de choc abandonnent des droits que, dans d’autres circonstances, elles auraient jalousement défendus. 

C’est l’aspect central de ce livre étonnant sur la signification économique, religieuse et anthropologique du covidisme. Mais il en existe plusieurs autres aussi surprenants : le cannibalisme social prôné par J. Attali ; la perte d’une religion structurante qui agissait comme antidote au messianisme actif, ce poison mortel qui ronge l'humanité depuis au moins la Révolution cromwellienne du 17e siècle ; la consommation vs la consumation ; la ruine économique des classes moyennes et le sacrifice rituel des peuples par l’injection d’un produit toxique fait pour les tuer ou pour altérer leur fécondité, une politique malthusienne scrupuleusement étayée par le groupe d'étude sur le covidisme de l'avocat allemand Reiner Fuellmich.

Youssef Hindi

Covidisme et messianisme. Tyrannie sanitaire, crise religieuse et sacrifice

KA’Éditions et Stratégika

2021

211 pages.





 

 


dimanche 24 octobre 2021

Agenda 2030, l'asservissement de l'humanité

C'est en effet ce que j'ai décrit dans mon livre, Requiem pour la bête. Mais sans identifier les responsables, il sera difficile de résister à l'asservissement de l'humanité qui s'en vient.

Sous couvert de « DÉVELOPPEMENT DURABLE », les changements climatiques, l'inclusion et la santé sont utilisés comme « Cheval de Troie » pour faire accepter l'« AGENDA 21 » que voici :

  • Éliminer la souveraineté des États-Nations et le sentiment d'appartenance national. Il n'y aura plus d'élections démocratiques.

 

  • La prise de contrôle absolue et la gestion par le gouvernement de toutes les ressources incluant l'eau, les écosystèmes, les terres, les déserts, les montagnes, les forêts, tous les cours d’eau, les océans, les animaux, les minéraux, l’énergie, les moyens de production et les humains, les biotechnologies, le développement rural et industriel.

 

  • L’abolition de la propriété privée. Plus personne (excepté les plus riches) n’auront accès à la propriété.

 

  • Redéfinition du rôle de la famille : Les enfants devront être élevés par l’État (conditionnement, endoctrinement). Abolition des rôles familiaux de parents.

 

  • Tout le domaine du travail doit être contrôlé par le gouvernement et les emplois déterminés par celui-ci. Plus possible de changer de carrière ou de faire ce que l’on désire, l’État décide de tout.

 

  • Les déplacements seront strictement contrôlés et les véhicules personnels interdits. On devra utiliser le transport en commun et il sera pratiquement impossible de faire des voyages ou même de sortir de sa zone urbaine pour aller en campagne par exemple.

 

  • Création de zones urbaines de concentration humaine (camps de concentration) où chaque humain sera strictement surveillé en tout temps.

  • Expropriation de toutes les zones rurales. Tout le monde devra vivre en ville, entassé dans de minuscules espaces de 265 pi2.

 

  • Redéfinition de l’éducation pour faire de chaque personne des sujets obéissants, incapable de faire autre chose que le travail assigné.

 

  • Dépopulation massive de la planète. Environ 6 milliards de personnes devront être éliminées par des moyens divers, dont la vaccination, les maladies virales créées, les « chemtrails », les guerres, la stérilisation, etc.

 

L'Agenda 21 | Commune de Lanteuil (Corrèze – 19)

dimanche 10 octobre 2021

Un usage des animaux pondéré par la science et le gros bon sens

 Dr Charles Danten, MV, MA


Précision liminaire : dans cet article, le terme « végétarien » est un générique englobant toutes les formes de régime à base de plantes, y compris le véganisme ; le terme « viande » est un générique pour tout régime à base de produits animaux y compris le poisson.
***
Certaines formes d’exploitation animale sont toujours légitimes tant et aussi longtemps que des solutions de rechange ne seront pas trouvées, et du moment que c’est vital pour notre espèce, selon les données de la science et du gros bon sens. 


L’élevage

Admettons pour un instant que les végétariens ont raison, que le régime carné est une tradition barbare, néfaste pour la santé et l’environnement, ce ne serait pas une raison pour imposer le végétarisme par la terreur, en saccageant les boucheries et les charcuteries comme les végétariens ont fait récemment en France et au Québec. Proposer, mais ne pas imposer par la force ses convictions à autrui nous semble être un sage conseil. On ne veut pas d’une révolution, mais d’une évolution, par simple précaution, afin d’avoir le temps de s’adapter et de ne pas faire fausse route.
Il est possible qu’un jour nous abandonnions l’alimentation carnée, mais c’est loin d’être fait. À l’heure actuelle, les études qui pointaient dans cette direction sont sérieusement remises en question (1). De fait, il n’est pas certain scientifiquement que le régime carné soit si mauvais pour la santé et l’environnement que le prétendaient jusqu’à maintenant les végétariens. 
Plusieurs études importantes ont en effet démenti les allégations tapageuses des végétariens. Certains scientifiques pensent même que la fameuse pyramide alimentaire de l’Université Harvard est la source de l’épidémie d’obésité morbide et de diabète qui sévit actuellement aux États-Unis, en raison de son importance démesurée accordée aux hydrates de carbone et aux céréales (2).


Avis aux âmes sensibles : sachez que les animaux n’étant pas conscients de leur mort peuvent être élevés et abattus selon les règles de l’art, en minimisant leur stress et leur anxiété. Ce qui présuppose qu’ils soient élevés dans des conditions qui respectent leur besoin de socialisation, d’espace, d’air frais, d’eau et de nourriture saines.
« Faisons l’homme à notre image selon notre ressemblance, et qu’il domine sur le bétail sur toute la terre », dit en résumé Dieu dans la Genèse (I, 26). Nous sommes bien d’accord avec ce principe de domination des humains sur les animaux, mais nous nous devons en retour de traiter ce cheptel providentiel avec le respect qu’il mérite. Ce n'est pas un chèque en blanc.
Dans cette optique, nous réprouvons fortement l’élevage intensif. De fait, à l’instar de l’ethnologue français Jean Pierre Digard, c’est à se demander « si ce type d’élevage ne correspond pas à une logique inconsciente, proche du sadisme, totalement différente en tout cas de celle — productiviste — qui constitue sa raison d’être officielle (3) ». 
Pour le dire autrement, élever des animaux dans des conditions concentrationnaires est non seulement un sacrilège, mais une manière malsaine de s’alimenter. Évitez par conséquent les produits pollués aux antibiotiques et aux additifs alimentaires issus des élevages intensifs, vous vous en porterez mieux et les animaux aussi (4).
Il va sans dire dès lors que les abattages halal et casher, deux traditions inutilement cruelles et irrespectueuses des animaux, n’ont pas leur place dans un pays civilisé comme le nôtre. Si les commandements sacrés ordonnent que le sang s’écoule de l’animal vivant, les méthodes modernes d’abattage correspondent aux rituels religieux bien mieux que la méthode religieuse (5). 
Il faut savoir aussi que la méthode juive d’abattage (shechitat) n’est pas une exigence de l’Ancien Testament, mais du Talmud, une collection de malédictions dirigées contre les non-juifs et un recueil de superstitions qui n’a rien à voir avec l’authentique judaïsme de l’Ancien Testament (6).
Par conséquent, saigner un animal à mort en lui tranchant la gorge sans l’étourdir au préalable, à la manière des djihadistes, est un acte que nous réprouvons avec vigueur. Cette pratique ignoble – interdite en Suisse depuis 1893, plus récemment, en Suède, au Danemark et en Slovénie, et depuis janvier 2019, en Belgique – doit cesser. 

La chasse

Tuer par besoin, pour manger ou se vêtir, oui, mais tuer par caprice pour une fourrure ou un trophée, pour s’amuser et fuir la réalité parfois triste et fastidieuse de la condition humaine, non merci. Tuer un animal n’est pas une alternative au bowling. C’est un acte solennel qui ne devrait jamais être fait à la légère. Mais c’est une façon de voir qui ne se commande pas. Ça doit venir du cœur.
Laissons donc les chasseurs tranquilles. De toute façon, les gens fortement ancrés dans leurs convictions ne changent pas en général, mais finissent par être remplacés par des gens qui pensent autrement. La question est de savoir si oui ou non, cette tradition ancrée dans la préhistoire deviendra un jour obsolète. Rien n’est moins sûr, du moins au Québec, où la chasse gagne de plus en plus en plus d’adeptes, notamment chez les femmes (7). 
Est-ce par un effet de mode ou de tapage publicitaire ? C’est fort possible. Dans la logique marchande actuelle, tous les moyens sont bons pour créer de la richesse, quelles que soient les conséquences ; une marchandisation tous azimuts du vivant que certains trouveront tout à fait légitime, mais qui ne concorde pas avec les valeurs que nous défendons. 
Rappelons pour clore cette section que « le rôle d’un chasseur digne de ce nom n’est pas seulement de chasser le gibier, mais aussi de l’entretenir et de le soigner afin que naisse et se préserve une situation de gibier plus saine, plus forte et plus diversifiée quant aux espèces. Il doit aussi éviter toute cruauté. L’utilisation de pièges douloureux est prohibée » (8).

Les animaux de compagnie

Nous ne sommes pas totalement contre l’usage des animaux à des fins récréatives et thérapeutiques, mais il faudrait arrêter de faire croire au public que ces animaux sont non seulement indispensables, mais mieux traités que les autres catégories d’animaux. C’est tout simplement faux. 
Les bienfaits physiques et psychologiques des animaux ont été massivement exagérés par les médias au service de l’industrie et des groupes d’intérêt qui en tirent profit. Comme le dit le psychologue américain Harold Herzog, du site américain Psychology Today, « l’existence d’un “effet animal” n’est pas un fait établi, mais une simple hypothèse qui n’a pas fait ses preuves (9) ». Plusieurs études importantes, complètement occultées par les médias ont montré que le placébo en plumes et en poils était plutôt nocif, non seulement pour les propriétaires eux-mêmes, mais pour les animaux et l’environnement (10)(11)(12). 
Doit-on pour autant interdire ce succédané qui sert entre autres à adoucir le vide créé par le démantèlement de la famille et l’atomisation de la population par le consumérisme ? Bien sûr que non, mais si on trompe les gens en leur cachant la réalité pour vendre du chien comme on vend du meuble, on provoque des dysfonctionnements significatifs tout au long de la chaîne de consommation, soit au niveau de la production, de la vente, de l’utilisation, de l’entretien et du recyclage. 
Ne pas mentir au public pour faire de l’argent est une chose, mais reconstruire le tissu social que les marchands ont sciemment détruit en est une autre que nous préconisons fortement (13).
Soulignons par ailleurs que les végétariens qui terrorisent les bouchers et les mangeurs de viande sont des amateurs notoires d’animaux de compagnie. Ils ne semblent pas comprendre que cette forme d’exploitation animale est à mettre dans le même sac que les autres formes d’exploitation animale énumérées dans cet article (14)(15)(16). Or, de deux choses l’une : ils ne font pas le rapport pour une raison ou une autre ou ils ne sont pas sincères, mais motivés par des intérêts personnels qui n’ont rien à voir avec les animaux (17)(18)(19).
Nous ne pourrions pas terminer cette section sans mentionner le lien entre la religion et la popularité des animaux de compagnie. De fait, l’amour des animaux, un sentiment qui s’exprime notamment par le végétarisme, la défense et la protection des animaux, le droit des animaux, les soins vétérinaires, voire la simple possession d’un animal de compagnie, s'inscrit dans un mouvement social amorcé au XVIe siècle en Angleterre, à l'aube de la révolution industrielle (20).
À cette époque, comme aujourd’hui (21)(22), on pensait que se mettre à aimer les animaux à la façon des saints comme François d'Assise, le saint patron des animaux, était « un procédé fort ingénieux, pour établir parmi les hommes le règne pur de la charité ». Il s’agissait, souligne l'ethnologue Éric Baratay, « de purifier l'humanité, d’extirper le goût du sang et de la cruauté, de rendre l’homme meilleur pour ses congénères et donc de protéger l’humanité elle-même » (23). Les autorités morales et spirituelles du moment encourageaient les gens à exercer leur compassion, notamment sur un animal de compagnie (24)(25).
Mais comme le constate le philosophe Luc Ferry dans son livre, Le nouvel ordre écologique.L’arbre, l’animal et l’homme, publié aux éditions Grasset en 1992, l’amour des animaux n’est pas l’apanage du bien, du beau et du bon. Toutes les combinaisons sont possibles. On peut être bon et aimer les animaux, on peut être méchant et aimer les animaux, on peut être bon et ne pas aimer les animaux et on peut être méchant et ne pas aimer les animaux.Or, si vous éliminez ce prétendu monopole du Bien sur l’amour des animaux, vous enlevez aux animalistes leur faire-valoir moral, et par conséquent, leur source de pouvoir, car c’est en effet ce monopole qui les fait briller sur le marché de la compassion. 

Quoi qu’il en soit, ceux qui se servent des animaux à cette fin devront bientôt se trouver un autre moyen de signaler leur vertu, car dans un avenir proche, les animaux robots remplaceront les animaux en chair et en os notamment dans les milieux urbains, dans les hospices et dans les hôpitaux spécialisés en soins palliatifs, gériatriques et psychiatriques. Dans un futur proche, il sera par ailleurs de plus en plus mal vu d’exploiter un animal de compagnie pour des raisons ostentatoires ou pour son seul confort et son seul plaisir.

Les chiens de fonction

Les chiens pisteurs et de sauvetage, de même que les chiens de berger et de traîneau jouent un rôle important, pour l’instant irremplaçable. Par contre, nous ne sommes pas du tout convaincu de l’utilité des autres chiens de fonction comme les chiens pour sourds, handicapés et aveugles.
Prenez le chien-guide pour aveugle, par exemple, eh bien, dans l’imaginaire chrétien,
l’aveugle symbolise l’humanité temporairement perdue dans les ténèbres, depuis sa chute du paradis, et qui cherche son chemin vers la rédemption avec l’aide de son fidèle chien, un envoyé de Dieu (26). Or, cette croyance contient à elle seule toute la chimie nécessaire pour entretenir les illusions du public sur l’efficacité de ces chiens, voire leur nécessité, qui à ma connaissance n’a jamais été démontrée scientifiquement. 

Heureusement, la vision artificielle, une technologie qui arrive à maturité, va bientôt remplacer ces chiens robots qui servent surtout à mettre en valeur l’industrie de la zoothérapie et des animaux de compagnie en général, notamment les fabricants d’aliments pour animaux qui financent généreusement les entreprises spécialisées dans la fabrication de chiens prothèses.

La vivisection

Tant qu’il n’existera pas d’alternatives, il serait pour le moment prématuré d’abandonner la vivisection pour la recherche médicale, notamment l’expérimentation chirurgicale, dans des conditions strictes et hautement réglementées. Il existe par contre une foule d’alternatives intéressantes aux essais pharmacologiques et toxicologiques. Il n’est plus nécessaire par ailleurs, pour les mêmes raisons, d’utiliser des cobayes ou des animaux préservés dans le formol pour les classes de biologie du secondaire (lycée), par exemple (28). 

La corrida

Ses opposants assimilent la corrida à de la torture proposée en spectacle. C’est vrai au premier degré, mais symboliquement, au deuxième degré, on peut voir dans la corrida (comme dans l’élevage concentrationnaire et la chasse) une dramatisation vivante de la lutte contre les instincts, notamment la violence, symbolisée dans ce cas particulier par le taureau (29). Dans ce combat à mort, le matador symbolise la raison (logos) qui à l’aide de la volonté (ethos), symbolisée par la cape du toréador, les picadors, les banderilles et l’épée, affaiblissent la pulsion dérangeante (thanathos) pour mieux la mettre hors d’état de nuire.
Heureusement, la corrida est désormais interdite dans la plupart des pays sauf en Espagne et au Pérou où elle a été déclarée « bien d’intérêt culturel ». Nous préférons canaliser nos pulsions les plus dérangeantes dans des activités moins dommageables et beaucoup plus dignes comme le sport, la méditation, voire la prière.

Les zoos

Les zoos sont des archaïsmes que nous aurions avantage à abandonner. Ils ne jouent pas le rôle d’Arche de Noé qu’on leur attribue. Aucune des espèces élevées dans un zoo n’est en mesure de repeupler un habitat quelconque. Comme les animaux qui sont accouplés ne sont plus soumis à la sélection naturelle, après seulement quelques générations, il se produit chez les descendants une dérive génétique qui se traduit par une foule d’anomalies anatomiques, physiologiques et psychologiques. Des défauts parfois d’une subtilité impossible à déceler même par les yeux les plus aguerris. 
En définitive, le problème des espèces en voie de disparition se situant principalement au niveau de la perte d’habitat et des comportements humains, la solution n’est pas dans les zoos dont la fonction principale est de divertir les citadins et de créer de la richesse ; encore une fois, une marchandisation des animaux que certains trouveront légitimes, mais qui n’incarnent pas la mentalité plus conviviale que nous défendons (30)(31).
Nous proposons à la place la diffusion de faux animaux par l’intermédiaire de la projection holographique et de la réalité augmentée, une technologie qui a déjà fait ses preuves en Asie, et qui permet même d’interagir avec les animaux par le biais d’une application de téléphone « intelligent ».

Les parcs aquatiques

On peut mettre dans le même sac les parcs aquatiques, notamment pour la delphinothérapie. Selon les scientifiques Marino et Lilienfield, les plus grands spécialistes au monde des cétacés, la delphinothérapie est fréquemment associée chez les humains à des blessures et à des infections, et les dauphins font l’objet d’une chasse effrénée, aussi méconnue que cruelle (32)(33). 
Enfin, toutes les thérapies assistées par l’animal ont ce que les économistes nomment un « coût d’opportunité », c’est-à-dire que l’argent et l’énergie que les parents dépensent sur une « thérapie » qui ne donne aucun résultat tangible ne sont plus disponibles pour investir dans des moyens plus éprouvés et sécuritaires comme ceux qui sont offerts par l’assistance publique et divers autres organismes à vocation caritative (34).

Les cirques

Les cirques quant à eux sont de moins en moins populaires. Ils ne sont plus dans l’air du temps. Emprisonner des animaux dans des conditions inhumaines pour leur faire faire des trucs de singe pour impressionner la galerie n’est plus tellement apprécié par le public. Le Cirque du Soleil a bien compris le message, au bon moment, et c’est ce qui explique son succès.

En conclusion

L’exploitation animale, sous toutes ses formes, doit progressivement diminuer. Commençons par éviter les traitements abusifs comme l’élevage intensif, la chasse aux trophées, les placébos de poils et les cirques. N’attendons pas que la science rende finalement inutile l’usage des animaux de laboratoire et de compagnie pour améliorer dès maintenant leurs conditions de vie ou abandonner tout simplement leur usage lorsque c’est possible. 
Charles Dantena une formation universitaire en agronomie et en médecine vétérinaire. Il a pratiqué la médecine vétérinaire pendant 18 ans, dont 10 à son propre compte. 

Bibliographie

Bernardina, Sergio Dalla (2008). L’éloquence des bêtes. Métailié.
Bousquet, Suzanne (2019). Du cachère au halal: Quand cupidité, politique et sournoise destruction de la civilisation occidentale s’entremêlent. Publié à compte d’auteur. 
Danten, Charles (2015). Un vétérinaire en colère. Sur les chemins de la rédemption. Samizdat. La première version de ce best-seller québécois a été publiée par VLB en 1999.
Digard, Jean-Pierre (2005). Les Français et leurs animaux : Ethnologie d’un phénomène de société. Fayard, Pluriel Éthnologie.
Ewen, Stuart (2014). La société de l’indécence. Publicité et genèse de la société de consommation. Éditions Le Retour aux Sources.
Ferry, Luc (1992). Le nouvel ordre écologique. L’arbre, l’animal et l’homme.Grasset.
Le Prince, Juda  (2020). Talmud. Voyage au bout de la nuit. Éditions Saint Agobard.
Tuan, Yi-Fu (1998). Slaves of Our Affection. The Making of Pets. Yale University Press.
West, Patrick (2004). Conspicuous compassion. Why sometimes it really is cruel to be kindCivitas.
Références
1. Bradley C. Johnston et coll. (2019). Unprocessed Red Meat and Processed Meat Consumption: Dietary Guideline Recommendations From the Nutritional Recommendation. Annals of Internal Medicine.
2. Meat is back on the menu, & scientists who want to ban cows for the sake of the planet are outraged. RT Question more. [En ligne]. 
3. Jean-Pierre Digard (2005). L’élevage industriel. Les Français et leurs animaux : Ethnologie d’un phénomène de société. Fayard, Pluriel Éthnologie, p. 4.
4. Tiffanie Ardoin Saint Amand (2004). La règlementation européenne face a l’évolution de la societé : les exemples des antibiotiques facteurs de croissance et du bien être animal en production porcine. Thèse pour obtenir le grade de docteur vétérinaire diplôme d’État présentée et soutenue publiquement en 2004 devant l’Université Paul-Sabatier de Toulouse, [en ligne].
5. Suzanne Bousquet, (2019). Du cachère au halal: Quand cupidité, politique et sournoise destruction de la civilisation occidentale s’entremêlent. Publié à compte d’auteur. 
6. Juda Le Prince (2020). Talmud. Voyage au bout de la nuit. Éditions Saint Agobard.
7. La chasse gagne de plus en plus d’adeptes au Québec. Publié le samedi 14 mars 2015 sur le site de Radio-Canada : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/711301/chasse-hausse-adeptes-quebec
8. Luc Ferry (1992). Le nouvel ordre écologique. L’arbre, l’animal et l’homme.Grasset, p. 167.
9. Harold Herzog (2011). The Impact of Pets on Human Health and Psychological Well-Being: Fact, Fiction, or Hypothesis?Current Directions in Psychological Science20(4) 236–239.
10. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer (2008). Éthique animale. PUF.
11. Jean-Luc Vadakarn (1992). Parle à mon chien, ma tête est maladeAlbin Michel.
12. Michael W. Fox (1990). The American Way of exploiting animalsSt. Martin's Press.
11. Stuart Ewen (2014). La société de l’indécence. Publicité et genèse de la société de consommationÉditions Le Retour aux Sources.
12. Stuart Spencer (2006). History and Ethics of Keeping Pets: Comparison with Farm Animals. Journal of Agricultural and Environmental Ethics; 19: 17-25. 
13. Leslie Irvine (2004). Pampered or Enslaved? The Moral Dilemmas of Pets. International Journal of Sociology and Social Policy; 24 (4): 5-16.
14. Charles Danten (2015). Un vétérinaire en colère. Sur les chemins de la rédemption. Samizdat. La première version de ce best-seller québécois a été publiée par VLB en 1999.
15. Patrick West (2004). Conspicuous compassion. Why sometimes it really is cruel to be kind. Civitas.
16. Yi-Fu Tuan (1998). Slaves of Our Affection. The Making of Pets. Yale University Press.
17. Sergio Dalla Bernardina (2008). L’éloquence des bêtes. Métailié.
18. Keith Thomas (1983). Dans le jardin de la nature. La mutation des sensibilités en Angleterre à l’époque moderne (1500-1800). Gallimard (Bibliothèque des histoires).
19. Temple Grandin et Catherine Johnson (2009). Animals make us human. Houghton Mifflin Harcourt. Kathleen Kete. Ouvr. cité.
20. Karine-Lou Matignon (2000). Sans les animaux, le monde ne serait pas humain. Albin Michel.
21. Éric Baratay (1995). « Respect de l’animal et respect de l’autre, l’exemple de la zoophilie catholique à l’époque contemporaine. » Des bêtes et des hommes : un jeu sur la distance : 255-265.
22. Éric Baratay (1998). « Le Christ est-il mort pour les bêtes? » Étude Rurales : 27-48.
23. Jean-Pierre Albert (1995). « L’Ange et la Bête : Sur quelques motifs hagiographiques. » Des bêtes et des hommes : un jeu sur la distance : 255-265.
24. Corinne Morel (2004). Dictionnaire des symboles, mythes et croyances.L’Archipel. 
25. Paul Ronecker (1994). Le symbolisme animal : Mythes, croyances, légendes, archétypes, folklore, imaginaire.Éditions Dangles.
26. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer. Ouvrage cité.
27. Luc Ferry. Ouvrage cité, p. 97.
28. Jean-Claude Nouët (1998). « Zoos » dans Si les Lions pouvaient parler. Essais sur la condition animale. Sous la direction de Boris Cyrulnik. Paris : Quarto Gallimard : 543.
29. Eric Baratay et Elizabeth Hardouin-Fugier (2002). Zoo, a history of zoological gardens in the west. Reaction books.
30. Marino Lori et Lilienfield Scott (1998). Dolphin-Assisted Therapy: Flawed Data, Flawed Conclusions. Anthrozoös; 11(4).
31. Marino Lori et Lilienfield Scott (2007). Dolphin-Assisted therapy: More Flawed Data and More Flawed Conclusions. Anthrozoös; 20 (3) : 239-249.
32. Lori Marino et Scott Lilienfeld (2007). Dolphin «therapy »: a dangerous fad, Researchers warn.Science Daily, [en ligne].